Senin, 01 Oktober 2007

L'expansion des indications : médecins, attention

Paul C. Hébert, MD MHSc* and Matthew Stanbrook, MD PhD

*Rédacteur en chef, JAMC; Rédacteur adjoint, Sciences, JAMC Avec l'équipe de rédaction de l'éditorial (Barbara Sibbald BJ, Sharon Straus MD MSc, Noni MacDonald MD MSc et Amir Attaran LLB PhD)

Ce numéro du JAMC présente une critique systématique (page 725) portant sur l'utilisation, chez les patients aux soins intensifs, de l'érythropoïétine, médicament dont on fait la promotion générale sans qu'il y ait d'indication approuvée dans cette population de patients1. Hormone glycoprotéïque recombinante complexe, l'érythropoïétine est approuvée pour le traitement de l'anémie chez les patients en dialyse, qui ont subi une intervention chirurgicale majeure ou qui sont traités pour un cancer. La critique systématique met en évidence la constatation selon laquelle lorsque l'on utilise ce traitement, qui coûte environ 400 $ la dose, sans suivre les indications de l'étiquette chez des patients aux soins intensifs, il économisera en moyenne moins d'une unité de sang, n'améliorera pas les résultats cliniques et pourrait causer davantage de complications thrombotiques.

Il faudrait féliciter Johnson & Johnson et sa filiale Janssen-Ortho d'avoir investi dans plusieurs études cliniques d'envergure afin d'avoir une idée de l'utilisation de l'érythropoïétine chez les patients aux soins intensifs. Grâce à cet investissement, les médecins et les patients ou leurs proches peuvent maintenant faire des choix éclairés. Les félicitations s'arrêtent toutefois là. Aux États-Unis, les fabricants d'érythropoïétine préconisent agressivement le médicament dans des annonces directes aux consommateurs et en offrant des incitatifs financiers aux médecins. On craint que ces activités n'aient encouragé l'utilisation généralisée non conforme à l'étiquetage et provoqué des effets indésirables pour des patients, ce qui a incité le congrès américain à enquêter2.

Ce n'est pas le seul exemple. Médicament antiépileptique, la gabapentine a été vendue illégalement contre la douleur chronique, et son fabricant, Warner–Lambert, a été condamné au criminel et a dû payer des dommages-intérêts au civil3. Le facteur VII activé, agent de coagulation indiqué pour les patients hémophiles, qui constituent donc un marché très limité, a généré une fortune pour Novo Nordisk comme thérapie contre l'hémorragie massive, même si les données indiquent qu'il pourrait accroître le risque de mort4. Indiquée contre la schizophrénie, la rispéridone est souvent utilisée de façon non conforme à l'étiquetage quelque 66 % du temps5, principalement contre les troubles du comportement dans les cas de démence. C'est depuis peu seulement qu'on dispose de suffisamment de données probantes pour découvrir le risque accru de mortalité que pose la rispéridone dans ce contexte.

Les utilisations non conformes à l'étiquetage découlent habituellement d'hypothèses testées en laboratoire ou de premières observations cliniques ou anecdotiques. Il est clair qu'il ne faudrait pas enrayer les innovations des soins qui découlent de ces observations, car c'est là un moyen de réaliser des progrès en médecine. De plus, l'utilisation non conforme à l'étiquetage constitue souvent un prolongement logique de l'utilisation approuvée, ce qui se produit lorsque des données biologiques appuient l'efficacité d'un médicament (p. ex., utilisation d'antibiotiques guidée par la sensibilité in-vitro), lorsqu'on étend l'utilisation à une maladie semblable sur le plan physiologique (p. ex., salbutamol pour traiter la bronchopneumopathie chronique obstructive) ou lorsqu'une maladie afflige des sous-groupes non approuvés (p. ex., enfants).

Les médecins n'ont pas nécessairement de difficulté à faire preuve de jugement indépendant dans de telles situations. Le problème se pose lorsque les fabricants ont recours au marketing pour inciter les médecins à utiliser ces médicaments de façon non conforme à l'étiquetage. En théorie, les sociétés pharmaceutiques ne sont pas autorisées à promouvoir l'utilisation de médicaments non approuvés par les organismes de réglementation. En pratique, la promotion agressive des médicaments se fait sentir dans l'augmentation des utilisations non conformes à l'étiquetage, conséquence qui n'est peut-être pas non intentionnelle.

L'utilisation non conforme à l'étiquetage crée ainsi une échappatoire qui permet aux fabricants de médicaments de contourner la surveillance exercée par les organismes de réglementation qui ont pour mandat de protéger le public. Ces utilisations sont d'une rentabilité exceptionnelle pour les sociétés pharmaceutiques. Une étude a constaté que 21 % des ordonnances de médicaments d'usage courant sont prescrites pour des utilisations non conforme à l'étiquetage, dont 73 % ne reposent pas sur des données scientifiques solides5.

Comment contrôler les utilisations non conformes à l'étiquetage? Tout d'abord, il faut distinguer les utilisations raisonnables sur le plan clinique de celles qui sont douteuses. Deuxièmement, chaque fois que l'on prescrit un médicament, que l'utilisation en soit indiquée ou non sur l'étiquette, les médecins doivent informer leurs patients des risques pertinents et des connaissances qui manquent. Troisièmement, la diffusion d'information au sujet des utilisations non conformes à l'étiquetage, qu'elle se fasse en ligne, sur papier ou en personne, doit être transparente et conforme à l'éthique. Les journaux médicaux, comme le JAMC, ont un rôle clé à jouer en indiquant quand les auteurs qui ont des conflits avec l'industrie discutent d'utilisations non conformes à l'étiquetage. Quatrièmement, il faut exercer des pressions sur les sociétés pharmaceutiques pour qu'elles vérifient la pertinence de l'utilisation non conforme à l'étiquetage au moyen d'essais cliniques rigoureux comme ceux que l'on a réalisés dans le cas de l'érythropoïétine. Enfin, il faut créer des moyens de repérer les tendances émergentes des utilisations non conformes à l'étiquetage qui feront partie intégrante de la surveillance postcommercialisation.

Il peut être approprié de prescrire des utilisations non conformes à l'étiquetage lorsque les médecins consciencieux, qui comprennent parfaitement les données probantes pertinentes disponibles, s'appuient aussi sur leur expérience clinique pour déterminer avec leurs patients qu'il s'agit là du meilleur choix médical. L'utilisation non conforme à l'étiquetage cesse d'être appropriée lorsque les fabricants de médicaments manipulent le pouvoir de prescrire des médecins afin de contourner des exigences réglementaires onéreuses et coûteuses et de grossir leur part du marché. Les médecins sont tenus d'être vigilants face à ce phénomène et d'éviter d'être des outils essentiels de l'expansion sans assise scientifique des indications dans l'établissement d'ordonnances.

RÉFÉRENCES


Zarychanski R, Turgeon AF, McIntyre L, et al. Erythropoietin-receptor agonists in critically ill patients: a meta-analysis of randomized controlled trials. JAMC 2007;177(7):725-34
Mitka M. FDA sounds alert on anemia drugs. JAMA 2007;297:1868-9
Henney JE. Safeguarding patient welfare: Who's in charge? Ann Intern Med 2006;145:305-7
O'Connell KA, Wood JJ, Wise RP, et al. Thromboembolic adverse events after use of recombinant human coagulation factor VIIa. JAMA 2006;295:293-8
Radley DC, Finkelstein SN, Stafford RS. Off-label prescribing among office-based physicians. Arch Intern Med 2006;166:1021-6

Tidak ada komentar: